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Jean Fouquet, (c. 1420- c. 1480) César franchissant le Rubicon, enluminure sur vélin,
Musée du Louvre, Paris |
L 'image
Cette représentation de la scène du franchissement du Rubicon par Jules Cesar et la XIIIe légion romaine, date du Moyen Age mais intègre la plupart des éléments du récit qu'en fit l'historien latin Suétone dans son ouvrage publié au 1e siècle " Les douze Césars : César, XXXI et XXXII "... tout en magnifiant raisonnablement le récit.
Voici ce que Suétone écrit :
« Lorsqu'on eut annoncé à César que le droit d'intercession des tribuns avait été supprimé et qu'ils étaient sortis de la Ville, aussitôt il envoya en secret des cohortes qui prirent les devants et, pour ne pas éveiller de soupçon, il assista par dissimulation à un spectacle public, examina le plan d'une école de gladiateurs qu'il devait faire construire et se livra, selon sa coutume, au plaisir d'un festin.
Puis, après le coucher du soleil, il fit atteler à un chariot des mulets pris au moulin le plus proche, et s'engagea avec une faible escorte dans le chemin le plus détourné. Les flambeaux s'étant éteints, il s'égara et erra longtemps. Au point du jour, il trouva un guide, marcha à pied par des sentiers extrêmement étroits et rejoignit ses cohortes au fleuve de Rubicon, qui était la frontière de sa province. Là il s'arrêta quelques instants, et, supputant la grandeur de son entreprise, il se tourna vers ceux qui l'accompagnaient :
« Maintenant encore, dit-il, nous pouvons revenir sur nos pas ; mais, si nous passons ce petit pont, le sort des armes décidera de tout. »
Il balançait encore, lorsque eut lieu le prodige suivant. Un homme d'une taille et d'une beauté remarquables apparut soudain, assis tout près et jouant du chalumeau. Outre les bergers, un grand nombre de soldats des postes voisins était accouru pour l'entendre, et, entre autres, des trompettes. Il saisit la trompette de l'un d'eux, s'élança d'un bond vers le fleuve, et sonnant une fanfare avec une force extraordinaire, il se dirigea vers l'autre rive. Alors César :
« Allons, dit-il, où nous appellent les prodiges des dieux et l'iniquité de nos ennemis ! il faut jeter le dé. »
C'est évidemment pour cette dernière phrase «
Iacta esto alea », ou, selon l'opinion commune, «
Alea jacta est » (
Le dé est jeté ou
Les dés sont jetés) que cet évènement historique est resté célèbre, symbolisant l'audace de se lancer dans une entreprise risquée.
Les faits
Dans la réalité, il est plus probable que César se soit exprimé en grec, la langue des élites romaines de l'époque, et ait déclaré : «
Anerrifthô Kubos » (
Que soit jeté le dé !).
Toujours est-il qu'en franchissant ce petit fleuve frontière du Nord de l'Italie, situé dans la région d'Émilie-Romagne à l'est de la plaine du Pô, César viole la loi de Rome qui interdit à quiconque de le franchir avec une armée, sauf autorisation du Sénat... autorisation que Jules César, dans la cas précis, n'a pas. Ce 11 janvier de l'an 49 avant l'ère chrétienne, César lance donc un défi de taille au Sénat qui dirige la République romaine agonisante depuis déjà plusieurs décennies. Il ne reste en effet plus rien du premier triumvirat constitué dix ans plus tôt par César, Pompée et Crassus. Pompée a pris le pouvoir à Rome et la guerre civile est de nouveau installée dans la place. Après avoir franchi le Rubicon avec la XIIIe Légion, Jules César longe l'Adriatique puis entre dans Rome, en chasse Pompée et soumet l'Italie entière en neuf semaines.