Le sujet
Lorsque le 28 mai 1533, Thomas Cranmer, l'archevêque de Cantorbéry, déclare valide le mariage d'Henri VIII roi d'Angleterre et d'Anne Boleyn, sept ans après le début de leur liaison, Anne devient l'épouse légitime du roi et la reine d'Angleterre. C'est un séisme d'une ampleur et d'une violence inimaginable aujourd'hui qui saisit alors l'Europe entière. La premiere épouse du roi HenryVIII, la reine Catherine d'Aragon, Infante de Castille, fille du très catholique et très puissant roi d'Espagne Charles Quint, est dépouillée de son titre de Reine d'Angleterre, juste à temps pour le couronnement d'Anne le 1er juin 1533. En signe de défi au pape, Cranmer déclare que l'Église d'Angleterre est maintenant sous l'autorité de son souverain et non de celle de Rome. Cet événement est connu sous le nom d'Acte de Suprématie. Il marque la fin de l'histoire d'Angleterre en tant que pays catholique romain. Peu de gens à l'époque en saisissent la profonde signification et très peu sont prêts à défendre l'autorité du pape, tant Henry VIII est populaire dans son pays. La (nouvelle) reine Anne est ravie du cours des événements, bien qu'elle désapprouve ouvertement le rejet de la liturgie catholique. Ambigüe ,elle pensait cependant que la papauté corrompait le christianisme. Les restes de catholicisme transparaissent d'ailleurs dans sa dévotion ostentatoire envers la Vierge Marie lors de son couronnement.
Comment en est-on arrivé là ?
Quelques années auparavant épris d’Anne Boleyn qu'il a entr'aperçue a un bal de la Cour, Henry VIII désire en faire sa favorite, la couvre de cadeaux et de lettres enflammées, bien qu’il n’aime pas particulièrement écrire. Il pousse l'enthousiasme jusqu’à faire sa chère Anne, marquise de Pembroke. Mais, au lieu de succomber, Anne Boleyn quitte la cour et fait entendre au roi qu’elle ne veut pas être seulement une maîtresse qu’il délaissera pour une autre, comme il avait l'habitude d el faire. Elle résiste à ses avances. Pour l’avoir, Henry VIII doit l’épouser.
Etant soucieux d’avoir une descendance, Henry VIII demande alors au Pape Clément VII de bien vouloir faire annuler son union avec Catherine d’Aragon, qui ne "
lui a donné "que des enfant morts nés, afin qu’il puisse épouser Anne Boleyn. Le Pape refuse net : le mariage ayant été consommé et n’ayant pas été stérile, il est impossible de le dissoudre. De plus, le roi d’Espagne Charles Quint –parent de Catherine d’Aragon- menace le Pape d’envahir Rome s'il cède au roi d’Angleterre.
Furieux, Henry VIII passe outre, décide d'abandonner la religion catholique et épouse Anne le 25 janvier 1533 après avoir répudié sa première femme, créant ainsi le plus grand schisme de l'histoire chrétienne d'occident.
Très vite apres ce coup d'éclat d'une ampleur inédite, la reine Anne est enceinte.
Le 3 septembre 1533, elle met au monde un héritier. Tout le monde s’attend à un fils et le roi est d’ailleurs persuadé que sa reine n’a pu lui faire qu’un garçon. Hélas, c’est une fille qu’on baptisera Elisabeth. Le roi est extrêmement déçu et n’assiste même pas au baptême de l’enfant. qui régnera plus tard sous le nom d'Elisabeth 1er et fut l'une des plus grandes reines du monde.
Certains parlent d’une punition infligé par Dieu à Henry VIII pour avoir renié l'autorité du Pape et s'être proclamé chef de l’Eglise Anglicane. Si on en croit les dires de l’époque, Anne n’est pas d’une grande beauté, elle s’emporte facilement, et son tempérament colérique est relevé dans plusieurs chroniques. Elle aurait même eu "
une verrue dans le cou, un sein plus gros que l’autre" et surtout un sixième doigt à la main gauche, qui lui vaudra bien des déboires...
En 1534, la reine met enfin au monde un garçon, Henry, duc de Cornwall mais ce dernier ne survit pas. Henry VIII est-il vraiment victime d’une malédiction ? Le 29 janvier 1536, Anne Boleyn fait une nouvelle ausse-couche d’un fils. Pour le roi s’en est trop. Il se détourne de son épouse, passant de plus en plus de temps avec la jeune Jane Seymour, appréciée par beaucoup à la cour à l’inverse d’Anne qui compte de nombreux ennemis. En mai 1536, la reine est enfermée à la Tour de Londres : on l’accuse de sorcellerie et c'est son sixième doigt qui en est la preuve ! Elle est condamnée d’avoir envouté le roi, d'avoir voulu l’empoisonner, d’avoir envisagé de tuer Catherine d’Aragon et d’avoir commis l’adultère ainsi
que l’inceste : en effet sous la torture, le musicien favori de la reine avoue être son amant. Quant à l’inceste, elle l’aurait commis avec son frère Georges Boleyn vicomte de Rochefort.
Condamnée à mort, Anne Boleyn est décapitée à l’épée le 19 mai, deux jours après son frère et mille jours après son mariage avec Henry VIII. Catherine d’Aragon étant morte en janvier, le roi d’Angleterre épouse le lendemain même, le 20 mai, sa favorite Jane Seymour. Avant de mourir, Anne Boleyn avait déclaré être innocente de tous les crimes dont on l’accusait et insista notamment sur le fait qu’elle n’avait jamais été infidèle au roi.
L’histoire d’Anne de Boleyn ne devait pourtant pas s’arrêter là. Après son exécution, on ne trouve pas de cercueil pour la reine. Son corps fut enfermé dans une boite trop petite puis enterré à la hâte sous la chapelle Saint-Pierre dans la Tour de Londres où elle avait fini ses jours. En 1864, la victime d’Henry VIII commençait à faire trembler l’Angleterre : durant une nuit d’hiver, une sentinelle aperçu son fantôme, une forme blanche flottant dans un épais brouillard. La dernière apparition d’Anne Boleyn date de 1936, 400 ans, jour pour jour, après sa mort : un garde vit une femme sans tête dans un des couloirs de la tour. Bien souvent, le fantôme de la reine avait été aperçu dans la chapelle sous laquelle se trouvait son corps.
Le portrait
Hormis ce dessin par Hans Holbein Le Jeune, tous les portraits d'Ann Boleyn que nous avons l'habitude de voir aujourd'hui sin été réalisés après sa mort.
La question de savoir si ce dessin Holbein représente réellement Anne Boleyn ou pas a longtemps diviser les chercheurs. Il vient d'une collection inestimable découverte par la Reine Caroline d'Ansbach dans un bureau à Kensington en 1727. Le dessin est l'un des deux d'Holbein qui portent la mention "Anne Boleyn", le second étant au British Museum. L'attribution de ce dessin comme étant celui d'Anne Boleyn a été faite par John Cheke, tuteur du futur Edward VI, en 1542. Cheke est entré au service royal directement après être sorti de l'Université de Cambridge, et il est peu probable qu'il ait jamais vu Anne Boleyn, exécutée en 1536. Cependant, il connaissait des gens qui l'avaient connue. Pendant longtemps, beaucoup d'érudits, y compris KT Parker et le biographe d'Anne Boleyn Eric Ives, ont douté que ce portrait soit celui d'Anne : ils indiquaient même qu'il s'agissait d'une erreur dans les attributions de Cheke, des dissemblances entre cette image et d'autres représentant Anne avec des cheveux plus foncés éveillant leur soupçons! On a également soutenu que Holbein n'aurait pas jamais osé représenté une femme de la stature d'Anne Boleyn, une reine, sous une coiffe aussi peu sophistiquée de femme du peuple.
Parmi ceux qui pensent que ce portrait décrit tellement ce qui est écrit en haut a gauche, l'érudit Holbein John Rowlands, l'historien David Starkey et le biographe de Holbein, Derek Wilson. Rowlands conteste les conclusions d'Ives, qui sont en partie basées sur des dissemblances avec d'autres images possibles d'Anne, au motif que c'est une erreur de vouloir se fier à la précision de ces autres portraits, d'autant plus qu'aucun, à l'exception d'une médaille de portrait endommagé, n'est contemporain d'Anne. Tous sont en effet posthume. Rowlands conclut donc à
"l''authenticité du dessin de Windsor avec plusieurs indices vraiment très convaincants".
Face à ces controverses, le dessin n'a pas été sous-titrée la même façon dans ses reproductions ; on le aout titre quelquefois sans réserve "
Anne Boleyn" , et parfois "F
emme inconnue" ou "
Portrait de femme". Certains érudits préfèrent en référence à ce dessin de manière moins catégorique. Ainsi Susan Foister, lcuratrice de l'exposition "
Holbein en Angleterre" qui a eut lieu à la Tate en 2006, écrit:
"Savoir si Holbein a réellement dessiné Anne reste une question sans réponse : un dessin existe à Windsor avec le nom d'Ann Boleyn clairement inscrit en haut à gauche montre une femme aux cheveux blonds dont l'apparence diffère grandement des autres portraits peints que nous connaissons". Tarnya Cooper, dans le catalogue de l'exposition «
Élisabeth» au Musée maritime national en 2003, fait la légende du dessin:
«Portrait d'une femme, probablement Anne Boleyn, vers 1532»