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Charles de Steuben (1788-1856), La bataille de Poitiers, Musée de l'Histoire de France, Château de Versailles |
Le tableau
Ce tableau à été commandé en 1837 par le roi Louis-Philippe 1er au peintre russe Charles de Steuben, éléve de François Gérard et de Pierre-Paul Prud'hon, dans le but d'alimenter les cimaises du Musée de l'Histoire de France qu'il venait de créer au Château de Versailles. Steuben peindra aussi les portraits reconstitués de plusieurs rois et reines de France parmi lesquels celui d'Hughes Capet.
La Bataille de Poitiers est une évocation historique qui tente de donner une idée précise de la scène, qui se déroula le 25 octobre 732, à l'exception notable toutefois de la femme à la poitrine dénudée qui figure au milieu de la composition et dont on se demande ce qu'elle pouvait bien faire à cet endroit là, ce jour là ! Bien qu'il soit très difficile dans cette imbrication de forces de déceler qui sont les Francs et quisont lesArabes, il semblerait que Charles Martel soit le personnage à cheval protégeant la grande croix de pierre, portant couronne sur son heaume et hache à la main, alors que dans la réalité il combattait à pied et ne portait aucune couronne. La cavalerie arabe, quand à elle, se retrouve ici à pied et gesticulant au milieu de ses voiles, alors que son roi Abd er-Rahman (l'homme à la barbe blanche qui brandit le sabre) blessé à la jambe essuie des tirs d'archers, qui lui coûteront d'ailleurs la vie.
Le sujet
En 711, c’est à dire 80 ans après la mort de Mahomet, les musulmans envahissent l'Espagne.
Ils mettent huit ans pour traverser la péninsule ibérique et, en 719, arrivent dans le Languedoc qu’ils occupent. Cette province, entre les Pyrénées et le Rhône, s'appelle alors Gothie, en souvenir des Wisigoths, ou Septimanie, d'après ses sept villes principales qui sont Narbonne (sa capitale), Agde, Béziers, Nîmes, Maguelone, Lodève et Elne.
Les arabes sont arrêtés à Toulouse, en 721, par le duc Eudes d'Aquitaine.
Ils tournent alors leur regard vers l'est et prennent Nîmes et Arles en 725. La même année, ils lancent une fructueuse razzia sur l’abbaye d'Autun, en Bourgogne, dont les richesses sont célèbres.
En 732, le gouverneur d'Espagne Abd er-Rahman marche vers Tours à la tête de ses troupes, composées d'Arabes et surtout de Berbères fraîchement convertis à l'islam. Il n'a pas vraiment d’intention de conquête mais veut simplement mettre la main sur le trésor du sanctuaire de Saint-Martin, constitué de belles étoffes et de pièces d'orfèvrerie offertes par les pèlerins.
Le duc Eudes d'Aquitaine, trop occupé à contenir les Francs qu'il considèrent aussi comme des « barbares », qui viennent de franchir la Loire en menaçant ses possessions, ne peut être sur tous les fronts.
C’est dans ce contexte d’urgence que Eudes demande l’aide de Charles, issu d’une puissante famille franque de l’est de la France, pour contenir les arabes qui viennent de piller l'abbaye de Saint-Hilaire, près de Poitiers.
Le 25 octobre 732, qui est aussi cette année-là le premier jour du Ramadan, les musulmans se décident à engager la bataille au Nord de Poitiers. Mais leur cavalerie légère et désordonnée se heurte au «mur infranchissable» que forment les guerriers francs de Charles Martel à pied mais disciplinés et bardés de fer. Abd er-Rahman meurt au combat et la nuit suivante, découragés, ses hommes plient bagage et se retirent.
C'en est fini des incursions musulmanes au nord des Pyrénées.
Cette bataille militaire sans grande importance va néanmoins obtenir presque aussitôt un très grand retentissement dans les milieux éduqués. C'est ainsi qu'une chronique espagnole à peine postérieure décrit l'événement comme une victoire des Européens sur l'infidèle. Cela constitute la première évocation connue de l'Europe comme civilisation et culture.
Quand à Charles, il ne s'en tient pas à cette victoire assez facile et va consciencieusement saccager les villes de Septimanie, les unes apres les autres ! C'est sans doute à cette occasion que le chef des Francs, père de Pépin le Bref et grand-père de Charlemagne, aurait gagné le surnom de Charles Martel (« celui qui frappe comme un marteau »).
Il appartiendra à son fils, le roi Pépin le Bref, de conquérir Narbonne et de chasser définitivement les musulmans de Septimanie en 759, trois ou quatre décennies après leur arrivée.