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Fac Simile du Décret de l'Alhambra |
L'image
Ceci est le fac simile du décret de l’Alhambra, l'édit d’expulsion des Juifs des territoires sous souveraineté espagnole, signé le 31 mars 1492 par Isabelle 1ere de Castille et son époux Ferdinand V d'Aragon (désignés sous le vocable générique de Rois Catholiques) à l’Alhambra de Grenade, trois mois après la prise de cette ville aux musulmans. On peut y lire :
« … Nous avons décidé d'ordonner à tous les juifs, hommes et femmes, de quitter nos royaumes et de ne jamais y retourner … à la date du 31 juillet 1492 et ne plus rentrer sous peine de mort et de confiscation de leurs biens … »
Rendu public le 29 avril 1492, ce décret ordonne donc l’expulsion définitive avant le 31 juillet 1492 des Juifs refusant le baptême, tous âges et catégories sociales confondus et ne leur permet d’emporter qu’une infime partie de leur patrimoine.
Isabelle 1ere, encouragée par son confesseur Tomas de Torquemada, qui a aussi le titre et les fonctions redoutables de Premier Grand Inquisiteur de l'Inquisition espagnole, table sur une conversion massive de Juifs profondément attachés à leur patrie depuis plus de 1000 ans. Bien que ses plans soient partiellement couronnés de succès avec la conversion d’un grand nombre de Juifs dont celles d’Abraham Senior et d’autres notables menées en grande pompe, la majorité des Juifs choisit l’exil.
Les faits
L’expulsion des Juifs d’Espagne en 1492 ( en hébreu : גירוש ספרד -
gueroush Sefarad) est l’un des événements majeurs de l’Histoire juive. Marquant la fin d’une présence millénaire et d’une culture épanouie sur le sol ibérique, elle entraîne une diaspora massive remodelant considérablement le visage des communautés juives du bassin méditerranéen et d’une partie de l’Europe occidentale, un développement majeur de la Kabbale et d’un phénomène inédit, le
marranisme ( désignant la pratique des juifs officiellement convertis aux catholicisme mais qui continuaient à pratiquer le judaïsme en secret), dont les ramifications philosophiques contribueront à la modernisation de l’Europe et de ses idéaux.
Avec ce Décret de l'Alhambra, suivi 10 ans plus tard de l'interdiction de l'islam dans le royaume de Castille, les souverains catholiques mettent fin à la «
convivance » qui a permis aux trois communautés de vivre ensemble à Grenade. Dans le royaume de Grenade sous domination Almoravides (1094-1238) puis Almohades (1238-1492)
, les chrétiens et les juifs avaient le statut de
dhimmis, étaient interdits d'exercer certaines fonctions et devaient porter un signe distinctif. Il leur était en outre appliqué des impôts supplémentaires.
Certaines thèses historiques récentes affirment que c'est grâce aux revenus tirés des biens juifs non convertis saisis par Torquemada (aucun chrétien n'étant autorisé à les acheter) que les Rois Catholiques financèrent les expéditions des Conquistadores aux Amériques. Même s'il y a une ironie certaine de l'Histoire à considérer que c'est grâce à l'argent volé aux juifs par l'Inquisition que l'Amérique a pu être découverte, il est difficile d'apporter les preuves formelles de ce "
montage " financier issu de tractations menées dans le plus grand secret entre les Rois Catholiques et l'Inquisition en cette fin de 15e siècle.
D'autant que dans le même temps, les Rois Catholiques se rendent vite compte du vide laissé par le départ des Juifs. Dès novembre 1492, ils font savoir dans les royaumes voisins et au Maghreb qu’ils autorisent le retour et restitueraient leurs biens à tout juif qui se ferait baptiser. Un nombre assez important de Juifs repliés au Portugal reviennent par Badajoz et Ciudad Rodrigo, et deviennent
conversos en tentant de retrouver leurs biens vendus à Torquemada quelques mois plus tôt.
La communauté juive expulsée d'Espagne part s'établir sur le pourtour méditerranéen. Outre le Portugal qui ouvrit alors ses portes à 23 320 personnes (selon les archives portugaises), les principaux pays de destination des Juifs chassés d'Espagne sont dès 1496, l'Afrique du Nord (Maroc et Algérie), la péninsule italienne, l'Empire ottoman où le sultan Bajazet II ordonna de bien les accueillir en déclarant :
« Vous appelez Ferdinand un monarque avisé, lui qui a appauvri son empire et enrichi le mien ! ». Ces juifs furent sont à l'origine de la très importante communauté de Salonique qui disparut dans la Shoah.
D'autres choisissent d'aller beaucoup plus vers le nord, dans le Sud-Ouest de la France où ils seront tolérés par les rois ou plus haut encore aux Pays-Bas où se développa une prospère communauté séfarade dont on peut encore voir la synagogue à Amsterdam, qui elle-même sera à l'origine des communautés sud-américaines puis nord-américaines. Cette émigration des Juifs puis des marranes continua aux 16e et 17e siècles.
Les Juifs espagnols emportèrent avec eux leur culture et leur langue. Si le
ladino ou judéo-espagnol ne perdura que jusqu'au xxe siècle (principalement en Turquie, en Grèce et au Maroc) la culture séfarade se transmet de nos jours dans la plupart des communautés juives issues du bassin méditerranéen, particulièrement en Israël et en France.
Le décret de l'Alhambra est resté officiellement en vigueur jusqu'au 28 juin 1967, date de son abrogation à l'initiative du ministre du Tourisme Manuel Fraga Iribarne.
Le 16 décembre 1968 est inaugurée la nouvelle synagogue de Madrid, première synagogue construite en Espagne depuis 1492.
Le cycle inauguré par le décret de l'Alhambra est clos exactement 500 ans après la promulgation de ce décret, le 31 mars 1992 lorsque le roi Juan Carlos et la reine Sophie sont reçus officiellement à la synagogue de Madrid, en présence du président israélien Haïm Herzog. Le roi évoque à cette occasion
« la réconciliation historique entre le peuple juif et le peuple d'Espagne ».