L'image
La photo représente représente le moment précis où le Général de Gaulle - qui vient tous juste d'être investi par l'Assemblée nationale le 1 juin 1958 comme Président du Conseil - lance à la foule rassemblée sur la place du Forum à Alger son célèbre
" Je vous ai compris" tout en en levant les bras en formant "V" de la victoire... Sur la photo on reconnait au premier plan, à droite en costume civil sombre, Jacques Soustelle gouverneur général de l'Algérie, favorable à l'Algérie française, bien qu'homme de gauche et proche de Pierre Mendes-France.
Les faits
Le 4 juin 1958, apparaissant au balcon du Gouvernement Général d'Alger, le général de Gaulle, lance à la foule rassemblée sur la place du Forum à Alger :
" Je vous ai compris. Je sais ce qui s'est passé ici. Je vois ce que vous avez voulu faire. Je vois que la route que vous avez ouverte en Algérie, c'est celle de la rénovation et de la fraternité. Eh bien ! de tout cela, je prends acte au nom de la France, et je déclare qu'à partir d'aujourd'hui, la France considère que dans toute l'Algérie, il n'y a qu'une seule catégorie d'habitants : il n'y a que des Français à part entière, des Français à part entière avec les mêmes droits et les mêmes devoirs... "
Sur le moment, le discours donne un fort sentiment de soutien à tous les auditeurs musulmans, européens et juifs qui ont fraternisé. Il provoque une explosion de joie. Mais il n'en demeure pas moins que moins que clairement, les Pieds-noirs (les Français d'Algérie descendants des premiers colons) le prennent pour eux, et pensent avoir le soutien du nouveau président du Conseil.
Ce
"'Je vous ai compris" va semer d'amères illusions chez les Français d'Algérie, ceux-là mêmes qui ont ramené de Gaulle au pouvoir le 13 mai 1958. Sans prendre aucun engagement concret, le général les laisse croire à sa résolution de conserver l'Algérie à la France.
Plus tard, certains historiens soulignent que la phrase était ambiguë : il s'agirait d'une phrase qui typiquement vise à rassurer tout le monde.
Mais l'interprétation de soutien à l'Algérie française de Gaulle dominait dans les esprits à l'époque, en particulier à cause du
« Vive l'Algérie… française ! » lancé deux jours plus tard à Mostaganem par le même de Gaulle devant une foule déchaînée.
Parmi les très nombreuses explications de cette entame, on peut citer celle du préfet Jacques Lenoir :
" Comme suite aux paroles de Jacques Soustelle et du général Salan, la foule s’est fort échauffée et les cris ne cessent pas à l’apparition du Général. Cette exclamation n’est rien d’autre qu’un « J’ai entendu que vous réclamiez Soustelle, j’ai compris, mais maintenant laissez-moi parler ». C’est le cri d’un orateur qui veut s’exprimer, qui n’arrive pas à se faire entendre de la multitude mais qui trouve les mots susceptibles de la faire taire. "
Aujourd'hui, ces quatre mots : «
Je vous ai compris », sont devenus pour beaucoup de Français le modèle du cynisme en politique.
Le «
Je vous ai compris » de De Gaulle est resté un souvenir au moins aussi marquant que le
« Vive l'Algérie française ! » pour les pieds-noirs. À cause de ces phrases, l'acceptation par de Gaulle de l'autodétermination algérienne leur a donné un sentiment de trahison.
À cause de cela, il sera haï par les partisans de l'Algérie française. Leur organisation terroriste, l'OAS, organisera par la suite l'attentat du Petit-Clamart contre lui.
La distance entre le sentiment des pieds-noirs sur la phrase et les accords acceptés ensuite par de Gaulle fait dire à l'humoriste Pierre Desproges que le message réel aux pieds-noirs était :
« Je vous hais ! Compris ? »