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Jean-Paul Laurens (1838–1921), Le Pape et l'Inquisiteur, 1882, Musée des Beaux Arts de Bordeaux, France |
1Le 11 octobre 1231 le pape Grégoire IX décide de mettre en application sa constitution (bulle)
Excommunicamus instituant l'Inquisition médiévale et charge le chanoine de l'ordre des Prémontrés Conrad de Marbourg de mettre en place, dans tout l’Empire, les instances d'un tribunal d’Inquisition.
Les papes Innocent III et Grégoire IX, à l'origine de l'Inquisition médievale, étant tous deux férus de droit romain, l'institution de tribunaux ecclésiastiques fut marquée par une dureté particulière ordonnant en effet de
mettre à mort l'hérétique.
L'Inquisition a été rendue possible par la conjonction de plusieurs idées : la notion d'hérésie ou d'erreur religieuse, d'une part et la notion de devoir religieux de l’État, d'autre part.
Cette conjonction est déjà visible dans l'Edit de Thessalonique de 380.
La lutte contre l'hérésie est en réalité perçue alors comme une question d'ordre public.
Les princes sont intéressés par sa répression à plusieurs titres, et l'autorité civile, pour préserver l'ordre public, comprend rapidement l'intérêt qu'elle peut avoir à lutter contre les hérésies et sanctionner des hérétiques de manière potentiellement autonome. A tel point que le décret civil
Ad abolendam (1184) de Lucius III fait de la répression de l'hérésie un élément constitutif du pouvoir de l'Empereur, en l'occurrence Frédéric Barberousse.
Ce 11 octobre 1231, donc est le jour où le Pape Grégoire IX confère à Conrad de Marbourg le titre d'
Inquisiteur, le premier homme à porter ce titre de sinistre mémoire en Allemagne. Pour ce faire, le pape le dispense d'emblée de suivre les obligations de la procédure canonique (
Te a cognitionibus causarum habere volumus excusatum) et l'autorise à procéder au mieux contre les hérétiques, mais en respectant les décrets papaux.
À la demande de Condrad de Marbourg, le pape édicte dès 1233 la première bulle de l’Histoire contre les sorcières, la
Vox in Rama en y décrivant
le sabbat des sorciers et leur culte du diable.
Pour poursuivre tout ce joli monde , Conrad est laissé libre de choisir ses collaborateurs ; il s'adresse donc en priorité aux Dominicains par l'intermédiaire des prieurs de Ratisbonne, Friesach et Strasbourg. Aidant les évêques à réprimer l'hérésie, il lutte à la fois contre les « Vaudois » et les « Cathares », comme on les appelle alors, ainsi que contre le groupedes " Lucifériens "sans distinction réelle entre les hérésies.
De l'avis même de ses contemporains (qui n'étaient pourtant pas des tendres!), Conrad se montre particulièrement sévère et brutal dans sa fonction. Ses deux assistants sont des ignorants fanatiques et bornés, visiblement inaptes à toute autre tâche qu'a torturer et tuer. Conrad enchaîne les arrestations pour hérésie, sans chercher à vérifier l'exactitude des accusations portées et sans que jamais aucune preuve ne soit apportée.
Les accusés une fois pris au piège n'ont que deux alternatives :
- soit confesser leur faute et se retrouver alors avec la tête rasée en guise de pénitence.
- soit protester de leur innocence, cet donc d'être jugé hérétique non repenti, et de finir sur le bûcher.
Ajoutons à celant qu'a mesure que l'Inquisition gagne en pouvoir, le fait d'avouer sa faute ne dispense en rien de finir sur le bucher !
Le nombre des victimes de Conrad de Marbourg et de ses deux acolytes tortionnaires n'a jamais été connu avec précision.
En Allemagne occidentale, son activité d'Inquisiteur provoqua une panique absolue et générale. Il agissait avec un tel fanatisme, une telle brutalité et de manière tellement illégale qu'il parvint à soulever contre lui des populations pourtant terrorisées.
Dans son aveuglement fanatique, il en vint même à se retourner même contre la haute noblesse, en particulier contre le comte Henri II de Sayn, qu'il accusa
"d'hérésie luciférienne". Sayn fit appel auprès l'archevêque de Mayence, Siegfried III von Eppstein, qui convoqua un synode pour vérifier les charges pesant contre le souverain. Les évêques et les nobles présents au synode virent l'activité de l'inquisiteur d'un œil d'autant plus suspect que ce dernier fut incapable de prouver les accusations qu'il portait contre le comte Henri.!
Désavoué, Conrad ne renonça cependant pas à sa mission qu'il jugeait juste.voir " sainte " ! Fort du mandat qu'il tenait du pape, il entrepris de prêcher une croisade contre les nobles hérétiques. Heureusement il n(eut pas le temps de mener à bien ce massacre, car cinq jours plus tard, le 30 juillet 1233, il mourut avec son compagnon Gerhard Lutzelkolb dans une embuscade, assassiné par des chevaliers sans doute proches du comte Henri alors qu'il revenait à Marbourg.
Après la mort de Conrad de Marbourg, l 'Inquisition médiévale se poursuivit dans le sang jusqu'en 1415. Puis c'est en Espagne qu'elle trouva un relai à partir de 1478 et jusqu'en 1834 , date à laquelle elle fut définitivement abolie. Il fallut cependant attendre l'an 2000, pour que le Vatican, par la voix du Cardinal Ratzinger, se repente officiellement pour la premiere fois des "excès " de l'Inquisition.
Le mot " crime " n'a jamais été prononcé...
Blog de Jean-Jacques Handali