De la dizaine d' épidémies de pestes qu'a connu la ville portuaire de Marseille depuis sa fondation par les grecs en 3000 avant J.C., celle de 1347 fut sans doute la la plus meurtrière au point que le qualificatif de
lui fut donner pour la qualifier.
C'est le 1er novembre 1347 que tout a commencé, lorsque les responsables du port de Marseille d'alors acceptent de laisser accoster des galères génoises dont ils savaient pourtant très bien qu'elles étaient porteuses de la peste, puisqu'elles venaient d'être refoulées par le port de Gênes dont elles étaient originaires... Ces galères venaient d'un port sur la Mer Noire, le port de Caffa, avec lequel Gênes commerçait régulièrement. La "mort noire "avait été apportée dans le port par les armées des Mongols lorsqu'ils mirent le siège devant la ville de Caffa, Décimées par la Peste, les Mongols se retirèrent, assez rapidement des lieux mais non sans avoir catapulté des cadavres à l'intérieur de la ville,...ce qui passe pour être l'une des premières tentatives connues de guerre bactériologique.
Sur leur chemin de retour en Italie, les galères génoises déposèrent la maladie à Constantinople et à Messine qui prirent la peine d'avertir Gênes du danger ( d'ou leur réflexe d'interdire l'entrée du port leurs galères. Mais voilà que par convoitise des marchandises transportées, le grand concurrent commerciale portuaire de Gênes, Marseille, décida en toute connaissance de cause, de les laisser accoster.
Dans un climat automnal humide, la peste éclata sous sa forme la plus dangereuse et contagieuse : la forme pulmonaire. Un mois plus tard, elle atteint la Corse et Aix-en-Provence. En janvier 1348, elle était à Arles et à Avignon, alors cité papale, centre de l'Occident chrétien et de la Cour pontificale, où, en 6 semaines, elle fait 11.000 morts. Il faut noter que le pape Clement VI qui était alors le chef de l'église régnant en Avignon sous le titre de Clément VI le Magnifique, publia deux bulles dès 1348, pour prendre sous sa protection les juifs et menacer d’excommunication ceux qui les maltraiteraient, ou les rendraient responsable de ce fléau.
Les médecins chargés d'enterrer les morts, tombèrent eux aussi comme des mouches et les survivants préférèrent s'enfuir. Resté sur place, "pour éviter l'infamie mais avec continuelle peur", le médecin Guy de Chauliac avoua son impuissance au pape Clément VI, barricadé dans la nouvelle aile du Palais des Papes qu'il venait de faire construire, en comparant cette Peste Noire avec les précédentes maladies épidémiques : "Celles là n'occupèrent qu'une région, celle ci tout le monde, celles là étaient remédiables en quelqu'un, celle-ci en nul.[...] tous les malades mouraient, exceptés quelques-uns qui en réchappèrent sur la fin avec des bubons mûrs."
Guy de Chauliac fut lui-même frappé par la peste et resta six semaines entre la vie et la mort. Mais il donna quelques bons conseils au Pape. Clement VI fit notamment installer des maisons de soin sur une boucle isolée du Rhône. Il interdit tout rassemblement, et tout pélerinage. Enfin, il fit réaliser des autopsies pour comprendre la progression du mal dans le corps.
En avril, voilà la peste en Auvergne, à Toulouse et Montauban. En juin à Lyon, en juillet à Bordeaux.
Dès que Bordeaux fut atteint, la diffusion de la peste s'accéléra et gagna les terres des Plantagenets :
l'Angleterre, la Normandie et Calais.
Le 20 août 1348, on la signalait à Paris où le tableau est apocalyptique, selon Jean de Venette : " Les gens n'étaient malades que deux ou trois jours et mourraient rapidement, le corps presque sain. Celui qui aujourd'hui était en bonne santé, était mort demain et porté en terre..." Dûment sollicités par Jean le Bon, les crétins sorbonicoles attribueront le mal à une conjonction de planètes et ne trouveront rien de mieux que de préconiser la fuite. Toutefois, ils rappelleront que la peste d'Athènes avait été vaincue en nettoyant les rues de ses ordures et en les aspergeant de vin, ce que Jean le Bon ordonnera de faire. D'autres municipalités furent encore plus radicales, comme à Bordeaux où le feu fut volontairement mis à des quartiers entiers dans lesquels la peste sévissait...
Malgré ces mesures, drastiques pour l'époque, en décembre, la Peste atteignait Metz, contaminant progressivement une grande partie de l'Europe du Nord et de l'Est.
La Grange Peste ne s'arrêta que lorsque le climat fut assez froid et secoure qu'il ne permette plus l'évolution de la forme pulmonaire et neutralise Pasteurella pestis ou bacille de Yersin, l'agent contaminateur . Elle semblera disparaître pour réapparaîtra aussi brutalement, fauchant les jeunes enfants n'ayant pas acquis d'immunité.
Enfin, en 1352, la peste disparaît de France. L 'épisode meurtrier aurait duré 5 ans.
A travers toute l'Europe des villages sont désertés par milliers. Les friches, la forêt et les bêtes sauvages regagnent le terrain perdu. Les prix des céréales, qui avaient chuté dans les premiers mois de l'épidémie du fait du manque de consommateurs, remontent très vite dans les années suivantes du fait du manque de bras ! Dès la génération suivante, la vie reprend le dessus. Paysans et manouvriers, profitant de la raréfaction de la main-d'œuvre, imposent aux seigneurs et aux employeurs des libertés nouvelles et des augmentations de salaires. Ces revendications s'accompagnent de graves crises sociales, la plus célèbre étant la Grande Jacquerie de 1358. Le servage achève de disparaître et les petites seigneuries rurales sont ruinées.
Un monde nouveau émerge...
La peste reviendra frapper la France et l'Europe en 1720 et jusqu'en 1845.
Le traitement actuel de la peste repose sur l'antibiothérapie à base de streptomycine, de chloramphénicol et des tétracyclines. Néanmoins, une souche multi-résistante aux antibiotiques a été isolée par des chercheurs de l'Institut Pasteur en 1997.
Blog de Jean-Jacques Handali
