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Le tsar Boris Goudounov (1551- 1605), peinture anonyme du début du 17e siècle. |
Le 7 janvier 1598, le jeune tsar Fédor 1er, fils d'Ivan IV le Terrible et beau frère de Boris Godounov, meurt. Boris Godounov qui avait commencé par être chambellan d'Ivan le Terrible, puis commandant de la garde du palais exerça, à partir de 1588, exerce la régence pour Fédor Ier.
Lorsque, ce 7 janvier, Fédor meurt sans héritier, il met fin de fait à la longue dynastie des Riourikides qui avait régné sur la
Rus' de Kiev (ou
Russie kiévienne) puis sur la
Moscovie depuis l'an 862. Dimitri Ivanovitch, le frère de Fédor, qui pouvait prétendre à la couronne était relégué à Ouglitch depuis plusieurs années, et mourut mystérieusement quelques heures à peine apres le décès de Fédor.
Alors que la cloche de l’église annonce la mort de Dimitri Ivanovitch, la population se soulève, persuadée qu’il s’agit d’un assassinat perpétré sur ordre de Boris Godounov. Celui-ci envoie des troupes qui ont tôt fait de mater la foule et de ramener le calme. Dans la foulée, il ordonne que la cloche soit fouettée en public, que son battant (sa
« langue ») soit arraché et qu’elle soit exilée en Sibérie avec les habitants qui n’ont pas été exécutés. Boris Godounov nomme une commission qui conclut que Dimitri se serait tué avec un couteau, au cours d'une crise d'épilepsie. Les historiens sont encore aujourd'hui partagés sur la culpabilité éventuelle de Boris Godounov dans cette mort très opportune.
On sait peu de choses sur la famille Godounov si ce n'est que ce nom signifierait
"irréfléchi" en tatare et que Boris était de lointaine ascendance tatare, par le le prince Tchet, fit construire au XIVe siècle le monastère orthodoxe Saint-Hypatius et qu'il épousa une des filles d'Ivan le Terrible.
À la mort du tsar Fédor, plusieurs grandes familles russes (les Galitzine, les Romanov entre autres) pouvaient prétendre légitimement au trône, mais - assez bizarrement - aucune ne fit acte de candidature, car l'aristocratie affaiblie par le pouvoir tsariste, sous le règne d'Ivan le Terrible puis sous celui de Fédor Ier était devenue très méfiante pour ne pas dire paranoïaque.
A la fois beau-frère du tsar défunt et Premier ministre, Boris Godounov n'a donc aucune difficulté à se faire élire tsar par un
zemski sobor, assemblée comprenant les boyards, le clergé et les communes. Rencontrant cependant une résistance au sein de la douma des boyards, Boris s'appuie sur la noblesse et sur le peuple et f il est finalement élu tsar, instaurant ainsi l'avènement d'une nouvelle dynastie en Russie. Il exige qu'on lui prête serment non pas au palais, comme le voulait l'usage, mais dans la cathédrale de l'Assomption à Moscou où il est couronné en septembre 1598.
Manquant de légitimité historique (il n'est après tout qu'un tsar élu et non un tsar héréditaire), Boris tente d'unir sa famille aux Maisons royales européennes. Il chercha ainsi à marier sa fille Xénia au prince Gustave de Suède, fils exilé d'Erik XIV : la tentative échoua devant le refus du prince de se convertir à l'orthodoxie ; le duc Jean de Danemark accepta, lui, toutes les conditions requises, mais mourut subitement, foudroyé par une maladie.
Selon les historiens, le règne de Boris Goudonov qui dura 7 ans, 1 mois et 27 jours fut une période paisible après l'ère tourmentée d'Ivan le Terrible.
Le TsarBoris mène une politique d'indépendance de la Russie, créant en 1589 le patriarcat de Moscou, faisant la guerre à la Suède (1590–1595) et organisant la colonisation de la Sibérie.
Il tente de rapprocher la Russie de l'Occident et de renforcer le pouvoir du tsar aux dépens des boyards, mais il ne put cependant faire face aux troubles qui demeuraient latents depuis la mort d'Ivan le Terrible. Ceux-ci trouvèrent un catalyseur dans la grande famine, qui éclata en 1601 et dura trois ans. En 1602, plusieurs milliers de morts furent dénombrés à Moscou et, bien que le gouvernement ait tenté de remédier à la situation, il dut bientôt y renoncer devant l'immensité du territoire à contrôler. Désordres et pillages s'en suivirent.
Le 13 octobre 1604, Grégori Otrepiev (Gricha Otrepjov) — moine défroqué ayant réussi à se faire reconnaître par le roi de Pologne comme le tsarévitch Dimitri Ivanovitch - qui aurait miraculeusement survécu à son assassinat - entre en Russie à la tête d'une armée de mercenaires polonais et lituaniens. Boris Godounov décrète alors la mobilisation générale, mais ses troupes sont défaites par celles d'Otrepiev, le 21 décembre 1604 à Novgorod-Severski. Le 21 janvier 1605, en revanche, le sort des armes est favorable aux troupes du tsar et Otrepiev doit fuir.
Rendus mécontents par la famine, les paysans rallient le camp d'Otrepiev.
Le 13 avril 1605, le tsar Boris Godounov meurt, subitement, à Moscou.
On parla alors d'empoisonnement voir même de suicide.
Il est inhumé au monastère de Serguiev Possad, près de Moscou. Il laisse pour successeur son fils, Fédor II, et son épouse Maria Grigorievna Skouratova-Belskaya qui seront assassinés quelques mois plus tard...
Selon l'historien russe Nicolas Kostomarov :
« Toute son action visait à favoriser son intérêt personnel, son propre enrichissement, le renforcement de son pouvoir, l’élévation de sa lignée… Cet homme était prêt à faire le bien, pour peu que cela ne gênât point ses visées mais les servît au contraire ; de la même façon, aucun mal, aucun forfait ne pouvait l’arrêter s’il l’estimait utile à ses intérêts. »
Ce personnage qui marqua durablement l'histoire de la Russie, malgré un règne de moins de 10 ans, inspira plusieurs romans, opéras et films célèbres parmi lesquelles la tragédie
Boris Godounov d'Alexandre Pouchkine écrit en 1831) d'où fut tiré l'opéra éponyme de Modeste Moussorgski en 1869 et la musique de scène de Serge Prokofiev en 1936.
Boris Godounov inspira aussi le film de Sergueï Bondartchouk en 1986, le film d'Andrzej Żuławski en 1989, et le roman de Vladimir Volkoff :
Les Hommes du Tsar en 1989.
Blog de Jean-Jacques Handali