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Expulsion des Juifs (portant rouelle) en 1182 Miniature des Grandes Chroniques de France |
À la fin du 12e siècle, l'activité économique se développe et Paris connaît un grand essor auquel les Juifs participent. La population chrétienne en vient vite à les jalouser et le très jeune roi Philippe Auguste décide de donner crédit à ces plaintes. Il voit dans les juifs des ennemis de la foi et des concurrents dangereux pour la toute nouvelle bourgeoisie commerçante.
Le 10 mars 1182, un édit du souverain dépouille les Juifs de tous leurs biens et les contraint à quitter le domaine royal. Cet edit est complété le 17 avril par un codicille qui explose aussi les juifs régnicoles, c'est a dire les juifs qui sont les habitants natifs du royaume, la qualité de régnicoles les opposant à celle de juifs
aubains ou
étrangers.
Les synagogues sont transformées en églises, les biens des Juifs redistribués à des nobles ou à des corporations.
Philippe Auguste inaugure alors un modèle d'expulsion-spoliation des Juifs qui va se répéter à de nombreuses reprises dans l'histoire. Les Juifs émigrent au plus près, hors du domaine royal, en Champagne ou en Bourgogne, mais aussi plus au sud, en Provence où ils sont plutôt bien accueillis. Cette première expulsion apprend à la communauté à ne pas investir en biens immobiliers mais à se contenter de numéraire et de bijoux négociables et transportables.
Mais 15 ans plus tard, en 1198, le même Philippe Auguste rappelle les Juifs.
Il ne prend pas cette décision par une compassion tardive mais par un intérêt bien compris car les Juifs, par leur métier de prêteurs, contribuent à l'essor économique du Royaume. De plus, un impôt spécial frappe chacune de leurs transactions. Ce rappel des Juifs dans le Royaume s'accompagne d'un accord réciproque d'extradition des Juifs avec le comte Thibaut III de Champagne. Enfin, le roi fait des Juifs des serfs de la Couronne, les privant ainsi de la protection de l'Église. Ils sont désormais soumis complètement à l'arbitraire du roi et de ses seigneurs.
Vers 1204, trente-neuf juifs s’engagent à habiter au Petit-Châtelet aux abords du Petit-Pont (aujourd'hui dit « Petit-Pont-Cardinal-Lustiger »), en dehors de la Cité de Paris, sur la rive gauche de la Seine, peu urbanisée à l'époque. Il est en effet attesté l'existence d'au moins une juiverie sise dans le bas de la rue de la Harpe, et de trois cimetières juifs parisiens dont un plus au sud de cette même rue. Entre le début du siècle et l’expulsion suivante de 1252, les sources mentionnent aussi plusieurs boucheries, synagogues et écoles juives à Paris dont une au coin des rues de la Harpe et de la Bouclerie (actuellement : rue du Poirier)
Cependant, au début du 13e siècle, l'Église devient plus dure avec les Juifs que le roi et, en 1205, le pape Innocent III proteste contre la protection que celui-ci leur accorde. Le pape est même d'avis d'annuler les dettes envers les Juifs des seigneurs qui se croisent, ce que n'accepte pas le roi.
Blog de Jean-Jacques Handali