Le mardi 27 juin 1905 (14 juin dans le calendrier russe), une mutinerie éclate à bord du Potemkine, le principal cuirassé de la flotte de guerre russe qui porte le nom d'un favori de Catherine II,
et qui est commandé par le capitaine de vaisseau Golikov, connu pour préserver la discipline avec une relative humanité.
Cet épisode est l'un des plus connus de la révolution de 1905, notamment grâce au film Le Cuirassé Potemkine, réalisé vingt ans plus tard par Sergueï Eisenstein. Ce long-métrage a quelque peu estompé la réalité historique en présentant une version romancée de l'événement. Commandé au cinéaste par les autorités soviétiques pour célébrer le 20e anniversaire de la révolution de 1905, ce long-métrage de propagande, qui se distingue notamment par son usage innovant du montage, est considéré comme l'un des plus grands classiques de l'Histoire du cinéma. Il a largement contribué à la postérité de la mutinerie et de la révolte d'Odessa. L'un des protagonistes de l'événement, Constantin Feldmann, intervient sur le tournage en qualité de consultant historique et fait également une apparition dans son propre rôle
Sur le moment, l'événement passe inaperçu dans une Russie bouleversée par une première Révolution et une guerre désastreuse contre le Japon. Mais il va acquérir beaucoup plus tard une notoriété mondiale et accéder au rang de mythe historique. Lénine qualifia le Potemkine de « territoire invaincu de la Révolution ».
Mis en service deux ans plus tôt, le navire mesure 113 mètres de long, déplace 12 600 tonnes et transporte environ 700 hommes. Ses marins sont pour la plupart des paysans recrutés de force quelques mois plus tôt pour combler les effectifs creusés par la guerre. Ils n'ont pas encore l'expérience du feu.
Ce qui déclencha la mutinerie fut un stock de viande en putréfaction que les marins découvrent lors d'une livraison de ravitaillement en Mer Moire. Ils se rassemblent autour des carcasses. C'est l'indignation. Le médecin du bord, le docteur Smirnov, examine la viande. Avec mépris pour les brutes qui l'entourent, il prétend sentencieusement que la viande est « comestible » sous réserve d'être simplement lavée avec du vinaigre.
Quand à l l'heure du déjeuner, les cuisiniers amènent les marmites de bortsch, avec la viande bouillie, c'est l'explosion. Les marins refusent de manger et conspuent les cuisiniers. Alerté par le vacarme, le second du navire, un polonais brutal et cassant, le capitaine de frégate Hippolyte Giliarovsky, alerte le commandant. Devant celui-ci, le docteur réitère son verdict sur l'état de la viande.
Le commandant a la mauvaise idée de faire battre les tambours et de rassembler l'équipage sur le pont. Il harangue les hommes et demande à ceux qui acceptent de manger la viande d'avancer de deux pas. Maladresse ! Par habitude et résignation, seuls quelques vétérans obéissent. Les autres ne bougent pas.
Bafoué, le commandant se contente d'annoncer que les marins n'auront rien d'autre à manger.
Dans l'équipage figurent quelques militants révolutionnaires du parti social-démocrate, dont leur chef Afatasy Matiouchenko. Ils ont reçu de leur parti la consigne de préparer les marins à une insurrection générale de la flotte de la mer Noire.
Matiouchenko se dit que voilà l'occasion de devancer l'insurrection générale.
Il excite ses camarades à la révolte qui va finir par éclater.