Le 17 octobre 1722, on brûle les billets de banque de John Law sur la place de l'Hôtel de Ville de Paris. C'est la faillite de la première introduction en France du papier-monnaie.
Cette introduction était gagée sur l'exploitation de la Louisiane.
Le
système de Law, imaginé par l'
Écossais John Law en développant l'utilisation de
papier-monnaie plutôt que d'espèces métalliques,et afin de faciliter le commerce et l'investissement, a été mis en place en France, sous la régence de Philippe d'Orléans, de 1716 à 1720, dans le but de liquider la dette laissée par Louis XIV.
Créée par Law, la Banque générale — société par actions — va jusqu'à absorber l'activité coloniale française de sa société sœur, la Compagnie perpétuelle des Indes. À l'origine des premières grandes émissions de titres boursiers, le système de Law est une étape incontournable de l'histoire des bourses de valeurs.
La spéculation qui se joue sur les actions des différentes sociétés de Law va finalement en ruiner le système, lorsque le cours retombe aussi vite qu'il était monté, à la suite d'un mouvement de panique. Quand les actionnaires et porteurs de billets, à partir de juillet 1720, demandent subitement à récupérer leur or, les richesses coloniales ne sont pas encore arrivées et le numéraire fait défaut : le système doit alors admettre sa banqueroute.
La liquidation du système est confiée aux frères Pâris, anciens munitionnaires enrichis pendant la guerre de Succession d'Espagne devenus banquiers. Un arrêt du 28 octobre 1722 oblige les détenteurs d'actions à les faire timbrer le « visa » au siège de la société. Ceux jugés « de bonne foi » les reçoivent sous huitaine, les autres… sous trois ans.
La Commission du visa s'étale du 2 janvier 1721 à janvier 1722. Elle concerne 2,5 milliards de livres de papier, pour un total de 511 000 déposants. Cette recension permet d'estimer la population concernée par le système de Law : environ 2 millions de personnes, soit 10 % de la population. Parmi les déposants, 251 000 détiennent moins de 500 livres et 100 000 plus de 10 000 livres. À la fin du visa, la dette du royaume est ramenée à 1,7 milliard de livres. 185 spéculateurs ont été frappés d'amende, pour un total de 187 millions de livres. Les deux cinquièmes des « visés » ont été totalement indemnisés. Sous 400 livres, tous l'ont été. Les moins riches, contrairement aux idées reçues, n'ont donc pas été pénalisés par la chute du système.
Le système de Law a permis de prendre en charge une partie de la dette de l'État, qui, momentanément plus libre de ses mouvements, a pu soutenir la guerre contre l'Espagne. Plus discrètement, cette bouffée d'air financière lui a permis de corrompre certains ministres autrichiens, et sans doute les troupes irlandaises.
Dans le domaine purement économique, la meilleure circulation de la monnaie a dynamisé le commerce extérieur, principalement vers les colonies. Dans la période qui suit, les négociants prennent conscience que l'offre de monnaie peut augmenter et surtout que la vitesse de circulation des capitaux est à la base de la croissance.
La Compagnie des Indes envoya par la suite 10 à 11 bateaux par an aux Indes sur la période 1720-1770, contre seulement 3 ou 4 sur la période 1664-1719. Près de la moitié des produits qui reviennent de l'Orient, en valeur, sont des métaux précieux, qui se recyclent dans le circuit économique.
Cependant, la chute du système rend la France durablement méfiante à l'égard du papier-monnaie : il a ruiné bon nombre d'actionnaires, tout en enrichissant considérablement ceux qui avaient su revendre à temps. Le système de Law a donc permis une certaine mobilité sociale, mais a également suscité des rancœurs tenaces.
Blog de Jean-Jacques Handali